Accro au craic…

Ah, le craic! (prononcez “crack”)

On aura beau déclarer que le ciment de la vie Irlandaise est la Guinness, ou la musique, ou le sport, ou le stew*, en fait, c’est le craic, et le craic, c’est tout ça et plus encore!

Comment le définir, en fait? C’est un concept étrange et évasif, le craic, on croit l’avoir cerné, avoir enfin compris, mais même après un an, j’ai du mal à utiliser ce mot dans mes phrases de tous les jours.  Comme si c’était un mot qui, même compris, n’était pas utilisable par qui n’est pas Irlandais.

C’est que le craic, il peut être, ne pas trop être, être fameux, être grand…  Il peut y en avoir ou ne pas y en avoir, il peut être bon ou moyen, mais il ne peut pas y en avoir de mauvais.

“How’s the craic?”, “What’s the craic?”, “Any craic?”, “Good craic!”, “The craic was mighty!”…  On le maltraite grammaticalement, le pauvre, on l’utilise à toutes les sauces. Mais alors à quoi ça correspond-t-il donc, en fait?

Le craic, c’est le bon temps, c’est les potins, c’est un état actuel ou passé de soi, c’est ce qu’il y a de neuf, c’est ce qu’on raconte maintenant et ce qu’on a raconté au pub autour d’une pinte.  Le craic, en fait, c’est le craic.

Et cette saloperie est sacrément addictive, il faut dire. C’est que les Irlandais ont vraiment un don inné pour la discussion boute-en-train, chaleureuse, vive et remplie de vannes en tous genres. The gift of the gab, qu’on appelle ça. Le don de la grande gueule et de la langue bien pendue.

Les “scoops” ou “pints” après le boulot, ça n’a pas grand chose à voir avec “l’apéro” français. Déjà, on se bouscule pour payer sa tournée, le chacun paye le sien, c’est une rareté ici. Ensuite, attention, on ne touche pas à sa Guinness tant que toute la mousse n’est pas remontée en haut et la bière est d’un noir bien uni. Limite on te jette du pub si tu y touches avant!  A part la Guinness, on boit généralement de la Carlsberg, de la Heineken et plus surprenant pour les français: du Bulmers, c’est à dire du cidre. Mais alors brut, le cidre, bien comme il faut, et servi dans les mêmes verres à pinte que les bières. Osez demander un demi ici, même en étant une fille, et on te demandera ce qui ne va pas.

Niveau rythme, c’est simple, lorsque ton verre atteint les 2/3 de vide (ou 1/3 plein pour les optimistes), on t’en propose un autre.  En fait, le plus souvent on suppose que tu en veux un autre de toute façon.  Ça parait beaucoup, c’est sûr, mais en même temps, si les quantités de liquides ingurgitées sont plus impressionnantes, on tient plus longtemps comme ça que dans un apéro français qui démarre avec pastis ou whisky-coca. Et ça donne aussi une ambiance plus détendue, plus peinarde.
Après, le rituel veut que l’on traîne sa carcasse marinée jusqu’au abrakebabra le plus proche pour manger un truc gras. Enfin, il parait.

Mais revenons au craic. Comment répondre, alors, si on te demande si tu en as? Là, généralement, la réponse sera celle que l’on donnerait à la question “quoi de neuf?”, si y’a du neuf, on le dit, sinon, “not much”. Si on te demande si y’en avait du bon, le plus souvent à propos d’une soirée, de ton week-end, de tes vacances, ben il suffit de répondre à la question “Alors, ça était?”, on peut alors ajouter aussi que le craic fut bon, très bon, voire même “puissant”.

Alors, mon ami, le craic, tu en veux? C’est de la bonne, promis!

*Le stew est un nom générique qui correspond plus ou moins au ragoût français, mais le plus souvent, ici, c’est spécifiquement utilisé pour le Irish Stew, qui le plus souvent est à base de bœuf et de légumes dans une sauce à la bière. Ben oui, on y revient toujours :D

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